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Michel Lastschenko : Je suis migrant [2/3]



Tous les systèmes de valeurs des principales religions embrassent l’humanité, le soin et le respect de l’autre, ainsi que la tradition d’octroyer une protection aux personnes en danger. Ces mêmes valeurs nous invitent à bien accueillir l’étranger, quel qu’il soit. Les principes du droit moderne des réfugiés s’enracinent profondément dans ces Ecritures et Traditions anciennes. Le respect des droits individuels de toute personne, indépendamment de son statut, se retrouvent dans les dispositions de la Déclaration universelle des Droits de l’homme, dont la liberté d’aller et de venir, donc de voyager et de « migrer », une liberté personnelle protégée déjà par la Déclaration de 1789 et qui compte donc parmi les droits naturels et imprescriptibles de l’homme.

Malgré les grands principes éthiques, religieux et humanistes et légaux qui devraient guider les Etats, malgré les efforts qu’entreprennent certains gouvernements européens pour mieux organiser l’accueil des migrants et susciter une solidarité européenne à ce propos, il est malheureux de constater que la xénophobie gagne du terrain, au point que certains défenseurs des droits de l’homme se voient obliger d’évoquer aujourd’hui l’exemple de la résistance à l’oppression pour défendre et promouvoir « le courage de l’hospitalité ». En France, en juillet dernier, le Conseil constitutionnel, dans un arrêt qui fera, je l’espère, jurisprudence enEurope, vient d’invalider le « délit de solidarité » qui permettait de poursuivre et de condamner les personnes qui portaient assistance à des migrants en situation irrégulière. Cette décision consacre le« principe de fraternité ». Désormais il ne sera plus illicite d’apporter de l’aide à des étrangers à circuler et séjourner de façon irrégulière en France, dès lors que cette assistance se limite« à des conseils juridiques, des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux visant à préserver la dignité ou l’intégrité de l’étranger en situation irrégulière. Il faut évidemment que cette aide soit« gratuite », ne donne lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte de la personne assistée. Ce qui reste interdit par contre et passible de poursuites pénales est d’aider de quelle que manière que ce soit l’entrée clandestine sur le territoire,« car cela ferait naître une situation illicite ». Le Conseil constitutionnel avait été saisi par Cédric Herrou, cet agriculteur de la vallée de Roya, sur la frontière italienne qui avait été condamné à cinq mois de prison avec sursis pour avoir transporté chez lui près de deux cents migrants de la frontière italienne et de les avoir hébergés. En France encore, - mais heureusement ces idées circulent aussi dans d’autres pays -, des professeurs d’université plaident pour l’ajout à l’arsenal des droits de l’homme « un droit de l’hospitalité »qui permettrait de définir les droits mais aussi les obligations de chacun, et en particulier du migrant dans le pays qu’il traverse ou dans lequel il réside de façon clandestine. C’était aussi l’un des objectifs des Nations Unies lors de la négociation du Pacte mondial sur la migration, une ambition certes non atteinte à ce jour mais dont les prémices sont désormais connues.


Cependant il ne suffit pas de dire « je suis un migrant » pour le devenir. Dans un dernier texte nous verrons pourquoi la Maison Josefa veut aller au-delà de cette identification, qu’il s’agit en fait de rechercher une nouvelle sémantique, de changer de paradigme en abordant la migration non sous l’angle de l’exilé cherchant à s’installer parmi nous mais de percevoir la migration comme un exil intérieur, de comprendre en quoi la commune destinée des hommes devrait amener chacun de nous à dire « je suis migrant ».


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