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Sigrid Marz : Compromis, compromission

  • academia-josefa
  • 4 days ago
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Updated: 2 days ago



J’ai mis plusieurs mois à goûter ces mots sans trouver beaucoup de clarté sur la manière de les aborder. J’ai cherché dans ma vie des situations qui y correspondent, ai retracé un chemin d’apprentissage, j’ai parlé à des personnes autour de moi. Ces différents éléments ont trouvé leur place dans ce qui suit.


En allemand, ma langue naturelle, c’est juste un adjectif qui distingue les deux significations: d’un côté le mot compromis est repris, d’un autre côté le mot « pourri » est ajouté pour signifier la compromission : ein fauler Kompromiss (trad : un compromis pourri). C’est peut-être pourquoi le mot compromission ne m’était pas très familier quand je l’ai cherché dans ma culture et dans mon histoire. J’arrivais à attacher un vécu à ce mot compromission, mais je n’arrivais pas à y connecter mon intelligence, juste un vécu et des sentiments ou des émotions.


Je commence avec une petite note biographique :

Dans mon enfance, mes parents ont dû faire face à tant de compromissions commises à leur égard qu’ils ont peut-être eu du mal à préparer leurs enfants à une vie en société où nous aurions à distinguer entre ces deux termes et encore. Pour rien au monde, ils n'auraient voulu préparer leurs enfants à leur (propre) vécu.

J’ai reçu comme boussole seulement une voix intérieure, mais pas beaucoup de consignes ou de règles paternelles ou maternelles. Il y en avait quand-même quelques-unes qui concernaient l’honneur ou la dignité de la personne. Pour ma mère, la dignité de la femme était liée à se donner seulement à son mari et de ne jamais nous laisser nous vanter des mérites de nos parents ; d’être né “d’un tel” ou d'être fille ou fils d’un tel ; de nous vanter d'un travail bien fait. La paresse à leurs yeux aurait compromis les talents reçus. Dans l’ensemble je me suis orientée en fonction de ce que je les voyais faire, plutôt que par rapport à ce qu’ils disaient. J’ai grandi dans la maison de ma grand-mère maternelle où cohabitaient trois ménages : elle-même et deux de ses enfants avec leurs familles. Nous étions six enfants et cinq adultes. Comme adulte je me suis rendue compte combien cela a dû être exigeant pour tout le monde et en particulier ma tante et mon père, les pièces rapportées. Jamais je n’ai vu ou entendu les ménages se disputer devant les enfants. Les compromis étaient négociés jusqu’au partage du grenier pour pendre le linge de ces onze personnes. Je rends hommage à ces cinq adultes qui ont mis l’entente fraternelle au-dessus des notions de compromis et compromission. 


En cherchant dans ma vie des situations qui m’ont amenée à des compromis ou des compromissions j’en trouve en quantité. Ils forment la base de mon chemin d’apprentissage pour faire face à la réalité, pour grandir en société et pour tenir ma place tout en laissant la place à l’autre. J’ai eu beaucoup de mal à distinguer entre le compromis et la compromission dans ma vie. Pourquoi ? 


Quand j’ai regardé les situations où je dirais aujourd’hui que je me suis compromise, j’ai résisté pendant un certain temps, avant de lâcher ma résistance ou mon désaccord. Plus tard j’ai appris la différence entre le conflit et la fermeté. C’est la fermeté qui fait davantage appel à la conscience de l’autre. J’ai dû l’apprendre.

Jusqu’à aujourd’hui, je me bats avec la notion de la justice qui est sous-jacente au compromis et la compromission.

Justice dans la vie civile ou dans la vie morale. Ceci dit, pour moi, tout dépend du contexte. Je m’explique : Une amie se trouve face à son mari qui passe deux jours par semaine chez une autre femme, compromis pour préserver le mariage aux yeux des enfants. Quand le mari demande une troisième journée, l’épouse lui demande le divorce. Aujourd’hui leurs enfants sont dégoutés à l’idée de se marier, ce qu’elle regrette. Elle a pris sa décision dans un contexte et elle découvre un autre.


La vie m’a appris par la suite à faire appel à la conscience de l’autre et à protéger ma dignité. Je n’étais pas bien préparée dans mon enfance ni à l’un ni à l’autre et parfois, j’étais simplement face à des personnes qui portaient de telles blessures qu’un dialogue n’était pas possible. J’ai conclu que j’avais reçu davantage d’amour dans ma vie et que je l’investissais là où d’autres n’en n'étaient pas capables. Par les compromis que j’ai portés dans ma vie, je n’ai reçu que de l’amour en retour, soit de Dieu, soit de mes frères et sœurs. J'en ai conclu que j’ai grandi beaucoup « en amour » et je vois aussi où j’ai encore beaucoup à grandir. La justice m’effraie un peu mais je sais davantage l’intégrer dans ma vie, si je la combine avec le bien commun et la dignité de l’homme. Je sais qu’une véritable collaboration ou un véritable dialogue ne sont possibles qu’avec la justice liée à ces deux éléments. Mais je crois aussi profondément que la justice est toujours encore à renégocier.


Je continuerai à apprendre comment faire avancer la justice dans le monde, en investissant mieux mes notions de compromis et compromission (et) tout en privilégiant toujours l’amour. Et en conclusion qui, je crois, résume probablement ma recherche face à ces deux mots, j’offre une citation de John Henry Newman: “Ex umbris et imaginibus in veritatem” (En translation : 'Out of shadows and phantasms into the truth'). Si je sais tenir la vérité dans l’amitié et la relation, la fraternité survient et la compromission trouve une opportunité de rester compromis parce que la pourriture n’a plus de place. Et parfois le silence est vérité dans la charité.


Sigrid Marz : coach en ontologie chez Summit Associates, Sigrid Marz est titulaire d'un Master de la London School of Economics et de licences en administration des affaires européennes et en théologie. Elle parle anglais, français et allemand. Elle met ses compétences en matière de recrutement au service de l'intrication des transitions professionnelles et personnelles.

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