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Noureddine Farssi: Berbère et Arabe



Mon voyage a commencé bien avant ma naissance.


Fils d'une tribu de nomades ayant fait sa scolarité à Taourirt, Oujda et Fès, mon père a choisi la France plutôt que la Belgique, les Pays-Bas où d'autres membres de sa famille avaient émigré avant lui.


Saint Florentin dans l'Yonne, ville qui rassemble un grand nombre de ses amis d'enfance, sera la première où ma mère posera ses valises également, pendant un an. Elle verra naître ma grande sœur, première française de la famille, et d'autres grands rêves d'ici et d'ailleurs.


Le fil de mon histoire revient sur la terre d'Afrique, au nord-est du Maroc, un confin où plusieurs peuples se sont retrouvés. Berbère et Arabe, on n’est jamais une part de l'un ou l'autre mais bien une composition singulière de l'un et l'autre. On me donne un nom, on prie, on célèbre le reste d'une vie à venir, on chante, on s'embrasse et on part vite me déclarer au consulat de France.


Les rites nous rendent tous égaux, le reste me donne un statut : fils d'immigré avec le droit de traverser le détroit de Gibraltar et un titre de séjour en France...


Le voyage continue vers Nantes, une ville française dans la moyenne, avec, elle aussi, ses quartiers populaires où s’entrechoquent tous ces parcours pour écrire une histoire commune: la deuxième génération des enfants d'immigrés. On joue, on va à l'école, on regarde la télévision, on traverse le temps de façon insouciante. On nous apprend aussi qui on est ; la somme des identités ne peut en faire qu'une seule, peu de place pour les individualités ni à l'école ni dans le regard du français, jacobin et bonapartiste. 


Le regard sociologique s'efface et devient médiatique puis narcissique. 1ère, 2ième, 3ièmegénération, le compte est risible. On adopte alors le vocable de la diversité et l'injonction assimilationniste univoque : l'universel ne peut souffrir des particularismes. En d'autres termes, la majorité ne peut s'encombrer de ses minorités. Elles devront être managées...


La France se veut conquérante lorsqu'elle se tourne vers le monde et pourrait être toujours accueillante si elle ne doutait pas autant. Mais lorsque le monde se retourne vers elle, c'est une autre histoire. L'étranger interroge nos certitudes, confronte nos modes de vie et réussit à raviver nos identités, prouesse de l'altérité.


Les migrants auraient pu être un énième phénomène global mais ils ont brisé nos écrans en se déversant sur nos plages, nos ports, nos gares, nos routes. Iconoclastes, ils sont dans nos villes, dans nos vies, nous obligeant à voir le monde qui change.


Malgré leurs causes diverses au départ, ces longues processions semblent échapper au temps : mécaniques puis inéluctables elles nous livrent ce que l'on dit être des rébus des sociétés du Sud toujours pas entrées dans l'Histoire. C'est contre nature d'affronter soi-même de tels dangers ou de porter sa famille à y faire face mais c'est tout autant remarquable de force et d'espérance. Oui, il faut plus de courage que de crainte, plus d'amour que de haine pour faire ce chemin et, en soi, ils sont un exemple.


Ils ne sont pas l'arbre qui cache la forêt. L'arbre ne peut cacher la forêt, un murmure la traverse. Toutes ces voix ne peuvent faire qu'une, toutes ces histoires aux visages de l'humanité...




 

Noureddine Farssi. Aujourd'hui à Bruxelles formateur pour des jeunes en insertion, venu du monde associatif européen ; depuis plus de 15 ans, consultant spécialisé dans l'accompagnement de porteurs de projets ; et curieux par nature.

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